Mais, où se trouve la reproduction
de la caravelle de Colomb qu’il y avait dans le port ??
Voilà une question qui revient souvent entre les + 50 ans. Et oui! Pendant plus de 40 ans, de 1952 à 1991, dans le port de Barcelone, on pouvait voir et visiter une réplique de la Caravelle “La Santa Maria” qui porta Christophe Colomb vers le nouveau monde.
De propagande franquiste…
La reproduction du fameux bateau avait été construite pour le tournage du film “Alba de América” (1950) de Juan de Orduña, la première superproduction espagnole.
Ce mauvais film, au relent historique douteux, a été produit comme outil de propagande qui permettrait de diffuser le concept d’Hispanité de manière massive et qui servirait l’idéologie franquiste et la suprématie religieuse catholique.
Écrit sous le contrôle stricte de Luis Carrero Blanco (bras droit de Franco, assassiné par ETA), le film répondait au film britannique de Christopher Colombus, qui avait profondément offensé la classe dirigeante Espagnole.
En effet, le film anglais dépeignait le roi Ferdinand comme un homme sans pouvoir et Colomb comme un astucieux négociant assoiffé d’or. L’idée est alors venue d’écrire l’histoire sous un autre jour, avec un roi puissant qui travaille pour la gloire et l’unité de son pays et un explorateur dévoué à la cause catholique…. Le règne d’Isabelle et Ferdinand est d’ailleurs devenu un véritable mythe créateur qui légitime l’idéologie nationaliste espagnole.
Le film n’aura pas eu le résultat escompté puisque, faute d’exotisme et de romance, le public espagnol bouda les salles.
Le chantier naval chargé de la construction de la caravelle se trouvait à Valence, et Julio Tato, historien et militaire de carrière (franquiste) se chargea de dessiner chaque détail du bateau pour qu’il ressemble en tout point à l’original. Le chantier dura 5 mois et fit la joie des gens du coin!
…à attraction touristique…
Après le tournage du film, la caravelle fut donnée à la ville de Barcelone en 1952 à l’occasion de la célébration du XXVème Congrès Eucharistique International qui se tenait dans la capitale catalane. En mouillage sur le quai de la Paix (Moll de la Pau) à deux pas de la colonne de Colomb, la caravelle est rapidement devenue une véritable attraction populaire et touristique.
La caravelle, pansue et armée de 3 mats, mesurait 20 mètres de long et 8 mètres de large. Pour une modique somme, on pouvait y entrer et visiter la cabine du capitaine où se trouvaient la reproduction d’un coffre rempli de vêtements, une couchette, des instruments de navigation et suspendue au mur, une réplique de l’épée de Colomb. On trouvait aussi une reproduction d’armure typique de l’époque et des ustensiles de cuisines (verroterie et céramiques), des cordages, etc…
Régulièrement, et comme n’importe quel autre bateau, il fallait réviser la coque et faire des travaux de maintenance. Une couche de peinture et une remise en état se faisaient tous les ans: la caravelle était effectivement utilisée tous les 12 octobre, le jour de la fête nationale espagnole, le jour au Colomb posa pied sur l’île de Guanahani.
Le succès de cette nouvelle attraction se traduisait en deniers sonnants et trébuchants : La caravelle devint rapidement l’attraction la plus visitée de la ville, se plaçant juste derrière le musée Picasso.
En 1986, les institutions catalanes, en vue de la nomination de Barcelone aux Jo d’été en 1992, planifièrent la modernisation des installations des Drassanes (anciens arsenaux royaux transformés en Musée Maritime). Pour célébrer le cinq-centenaire de la découverte des Amériques, il était prévu de sortir le bateau du port et de le mettre en cale sèche à l’intérieur du musée.
…à un symbole dérangeant!
Entre 1987 et 1990, un petit groupe faisant partie de l’organisation armée “Terra Lliure” (groupuscule indépendantiste catalan de gauche), essayèrent à 4 reprises d’y mettre le feu. Finalement, le 23 mai 1990 à 4 heures du matin, Miquel Casáis, membre dudit groupuscule, lança un cocktail Molotov sur le pont de la Santa Maria.
La caravelle brûla partiellement provoquant de sérieux dommages structurels et son épave fut déplacée loin des yeux du public.
Les autorités municipales catalanes ont fait valoir que le coût de la réparation était trop élevée, que la caravelle pourrait être l’objet d’autres attaques mettant en péril la sécurité (il fallait que tout soit prêt pour les JO’92). La décision fut prise de la vendre ce qui généra une grande polémique nationale, le gouvernement central accusant les politiciens catalans de faire prévaloir leurs intérêts partisans au détriment de l’histoire.
Quoiqu’il en soit, la caravelle disparu mystérieusement en 1991 sans que personne ne sache ce qui s’était passé: pas de communiqué de presse ni d’annonces officielles. La Santa Maria s’était volatilisée!
Touché coulé!
En abril 1991, la coque de la caravelle fut très discrètement remorquée vers un cimetière sous-marin. La réplique a été coulée devant la côte d’Arenys de mar mais les courants la déplacèrent à plusieurs centaines de mètres, où elle repose depuis, à 57 mètres de profondeur.
En 1992, des pêcheurs ont engagé un plongeur pour libérer leurs filets qui s’étaient accrochés à un récif non-signalé. C’est lors de cette immersion que le plongeur découvrit la carcasse de l’épave!
Il a fallu attendre 1995 pour qu’une équipe de télé descende et filme ce qui restait de la célèbre caravelle de Colomb. Cela marqua la fin d’une époque. En revanche, nombreux sont les Barcelonais qui se souviennent de la caravelle avec un petit pincement au coeur…et sans arrières pensées patriotiques, espagnoles ou catalanes!
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