Santa Madrona, la patronne oubliée

Au Moyen-Age, il était de coutume de placer les villes sous la protection de l’un(e) ou l’autre saint(e). La ville de Barcelone en eut jusqu’à trois! Sainte Eulalie, qui donna son nom à la Cathédrale de la ville, la Vierge de la Mercé dont la fête annuelle est l’une des plus importantes de la ville à nos jours…et Sainte Matrone (Santa Madrona en espagnol) complètement tombée dans l’oubli…enfin, pas partout !

 

Dans le quartier ouvrier de Poble-sec sur les flancs de la colline du Montjuïc en effet, il y eut jusqu’à 2 églises qui lui furent consacrées ainsi qu’une jolie petite place ‘Santa Madrona’. De plus, aux abords du quartier, la dernière porte encore debout de la muraille médiévale qui protégeait la ville (datant du XIVème siècle) s’appelle le portail de Santa Madrona.

Dans les années 20 et 30 encore, il n’était pas rare de baptiser les petites filles du nom de la Sainte. Ainsi le quartier de Poble-sec compte encore de nombreuses Matrone de 80 ans et plus.

 

Mais qui est donc Sainte Matrone?

santra madrona personnage barcelone

Sa courte histoire

Matrone de Barcelone ou Matrone de Thessalonique est une sainte de l’Église catholique romaine et de l’Église orthodoxe orientale. Elle a été reconnue comme une sainte pré-congrégation. Elle a vécu au IIIe ou au IVe siècle de notre ère.

 

La légende raconte que Matrone naquit dans une villa romaine du côté du Montjuïc. Rappelez-vous que la ville de Barcelone fut fondée par les Romains au Ier siècle de notre ère et qu’ils y restèrent jusqu’à l’arrivée des Wisigoths au tournant du Vème et du VIème siècle.

 

On dit qu’elle était orpheline…ou pas! Quoiqu’il en soit, il est dit qu’un jour Matrone part vivre en Grèce avec un de ses oncles pour travailler comme domestique et – ellipse – qu’elle meurt en martyr à Thessalonique.

 

trafic de reliques

Or, quelques siècles plus tard était en vogue ce qui apparaît aujourd’hui comme une tradition pour le moins curieuse: le commerce des reliques saintes!

 

C’est dans ce contexte que des commerçants français entreprennent d’embarquer son corps vers la ville de Marseille ou, pensent-ils, ils pourront vendre les reliques de la Sainte au plus offrant. C’était sans compter une terrible tempête qui les oblige à amarrer leur embarcation dans le port de Barcelone en attendant une accalmie. Mais le sort s’acharne et chaque fois qu’ils tentent de prendre le large, une nouvelle tempête éclate qui les empêche de lever l’ancre!

 

Pour beaucoup, c’est le signe clair que la Sainte veut rester dans sa ville natale. La décision est alors prise de déposer le corps de Santa Madrona à l’ermitage de Saint Fruitos sur le Montjuïc d’où la Sainte est originaire. Par la suite, une chapelle Sainte Matrone fut érigée sur la colline en son honneur.

Ermitage de Santa Madrona à Montjuïc

Encore des miracles

Une autre version du miracle raconte que des hirondelles avaient accompagné le navire qui transportait les restes de la sainte. A l’approche de Barcelone, elles se sont mises à crier pour alerter l’équipage. Depuis, tous les 15 mars, jour de la Sainte Matrone, les premières hirondelles arrivent à Barcelone, signe que le printemps approche.

 

Par la suite, on dit que le diable, enragé par le culte voué à Santa Madrona, a voulu détruire Montjuïc et la ville. Avec l’aide d’un groupe de démons, il a ouvert une mine sur la colline avec l’idée de former des éboulements et d’ensevelir ainsi Barcelone.

C’est alors que Madrona sortit de sa chapelle et, d’un signe de croix, chassa les démons.

Le trou, dans la colline de Montjuic, qui est en fait une carrière abandonnée, s’appelle le Cau del Diable (le trou du diable).

sainte mercé, sainte eulalie et sainte matrone
Sainte Eulalie avec sa croix, La Mercé et Sainte Matrone qui protège les marins

vénérée malgré les guerres

Des documents attestent de son existence dès l’année 1403. Étant donné son emplacement proche de la forteresse construite en 1640 pour défendre la ville, la chapelle se retrouvera souvent aux milieux de conflits armés et, de ce fait, le corps de la Sainte est régulièrement déplacé pour le protéger.

 

Le dernier lieu qui abrita le corps de la Sainte est l’actuelle église Sainte Matrone de la rue Tapioles à Poble-sec. Toutefois, en 1909 (durant la fameuse Semaine Tragique) l’église brûle faisant disparaître à jamais les restes de la Sainte…ou presque, puisque quelques années plus tard, un fidèle remet à l’Eglise une toute petite relique de Sainte Matrone vénérée depuis lors.

eglise de santa madrona poblesec
Vue de l’Eglise Santa madrona depuis l’avenue Paral·lel (Montjuïc au fond)

L’importance du culte rendu à Sainte Matrone n’est pas à démontrer dans l’Histoire de la ville. En 1563 une fête lui est officiellement dédiée, l’année suivante on la déclare co-patronne de la ville par vote populaire et à chaque période de sécheresse une procession était organisée pour supplier son aide.

 

On invoquait Santa Madrona contre les fièvres malignes, on dit qu’elle protège les marins, apporte la pluie en temps de sècheresse (peut-être ceci explique-t-il qu’elle fut adorée dans la campagne catalane et choisie comme patronne des maraîchers dans certains endroits arides) et aide à résoudre les situations difficiles…

 

On célèbre donc la sainte Matrone le 15 mars, mais c’est le 4ème dimanche après Pâques qu’est organisé un grand défilé à Poble-sec. C’est alors l’occasion de pouvoir visiter la jolie petite chapelle de Montjuïc.

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